et j'ai oublié...
vous devriez aller jeter un coup d'oeil sur le lien suivant :
http://www.chorus-chanson.fr/HOME2/NUMERO53/edito53.htm
c'est l'éditorial (de Fred Hidalgo) de ce fameux Chorus !
perso, je le trouve très bien !
et la fin est très jolie !
remarque je peux vous le copier/coller ici...
allez banco...
mais c'est un peu long, je vous préviens !
DU TEMPS AU TEMPS
Par Fred Hidalgo
Un artiste enveloppé de la fidélité et de la tendresse rarissimes d'un public qui ne l'a jamais considéré comme un gourou, un demi-dieu, mais simplement comme un ami ou un grand frère.
Goldman ne s'est jamais senti le droit d'être placé sur le même piédestal que des hommes de bien ou de sciences, voire des hommes politiques, qui font progresser l'humanité ou avancer la société...
C'est « L'Evénement » de ce numéro : une interview exclusive de Jean-Jacques Goldman qui se tait depuis la sortie de son dernier album en 2001 et n'a pas même commenté le fait que les Victoires de la Musique, autrement dit le Métier dans son ensemble, l'ont désigné cette année, dans un classement exceptionnel, comme « LE » chanteur français des deux dernières décennies. JJG, grand cru millésimé 1985-2005, lui qui, dès 1982, chantait Etre le premier... pour mieux stigmatiser l'arrivisme forcené de l'époque, le modèle du gagnant à l'ambition dévorante. Le paradoxe prêterait à sourire - d'ailleurs il en a été « le premier » amusé -, sauf que Jean-Jacques nous a confirmé à cette occasion qu'il se mettait en quelque sorte « en réserve de la chanson » pour un temps à déterminer. Une décision de nature à attrister des centaines de milliers de personnes qui le suivent fidèlement depuis bientôt un quart de siècle - voire des millions, en comptant tous ceux, des nouvelles générations et de l'espace francophone dans son ensemble, qui l'ont découvert en cours de route.
JJG fait une pause. JJG a choisi de marquer un temps d'arrêt. JJG souhaite donner du temps au temps. Pour étonnante qu'elle paraisse, c'est une décision qu'il avait déjà prise en son for intérieur à l'issue de sa dernière tournée, mais pas cru bon d'annoncer - seuls ses musiciens, outre quelque personnes de son entourage proche étaient dans la confidence -, estimant que dans l'absolu l'information n'avait guère d'importance... Depuis cette tournée, Un tour ensemble, qui s'est achevée en décembre 2002, Goldman n'a donné aucune interview, n'a réalisé aucune intervention publique pouvant seulement laisser entendre son intention de prendre du recul, même de façon provisoire, par rapport au monde de la chanson. En fait, et hormis quelques mots à propos de sa participation exceptionnelle à la vingtième édition des Francofolies de La Rochelle, en juillet 2004, pour saluer le départ de Jean-Louis Foulquier, JJG ne s'est pas du tout exprimé.
Mais, aujourd'hui, les rumeurs ayant commencé à filtrer cet été dans la presse people, l'auteur d'Il part a choisi, comme une évidence, de se confier à Chorus. Sans distance, sans réserve, sans conditions. De la façon la plus simple et directe qui soit. JJG s'est prêté de bonne grâce, tout le temps qu'il a fallu, au feu roulant de nos questions comme à l'objectif de notre appareil photographique. Toujours aussi incroyablement simple et modeste pour quelqu'un qui, comme nul autre en France tutoie la gloire et le succès de façon aussi constante depuis près d'un quart de siècle. Un artiste enveloppé de la fidélité et de la tendresse rarissimes d'un public qui ne l'a pour autant jamais considéré comme un demi-dieu, un gourou, un modèle à suivre ou un maître à penser, mais simplement comme un grand frère ou un ami qui vous comprend, vous encourage et vous aime. Et c'est bien ainsi que Goldman s'est toujours comporté vis-à-vis de tous ces gens qu'il s'est obstinément refusé à qualifier de « fans », rejetant la notion implicite d'inconditionnalité et, même, d'aveuglement du terme.
C'est d'abord en pensant à eux qu'il a ouvert sa porte à Chorus. Incidemment pour confirmer la nouvelle de sa « mise en disponibilité » de la chanson, mais surtout pour dresser une sorte de bilan de sa carrière, en acceptant d'en remonter totalement le cours avec nous. Un cours d'autant plus exemplaire qu'à ses débuts, le jeune homme - issu d'un milieu que l'on qualifierait aujourd'hui de défavorisé (famille d'immigrés et parents ouvriers...) - s'est forgé un destin à la seule force de son talent. Sans se laisser impressionner par l'espèce de cabale médiatique à laquelle, cinq ans durant (1981-1986), il a dû stoïquement faire face. Une large part de la presse dite sérieuse s'est alors déchaînée sans retenue contre lui. Comme si l'on avait décidé, aurait pu dire certain personnage illustre, de « lâcher les chiens » à ses trousses.
Lorsque l'on parcourt aujourd'hui son dossier de presse de l'époque, on reste en effet confondu, au-delà de la pure méchanceté suintant de la plupart des articles, par la même absence de lucidité professionnelle qui avait déjà caractérisé la « critique » à propos d'Aznavour ou de Brel, aux premiers temps de leur carrière. Mais alors que Brel (« Il faudrait signaler à ce pauvre Brel qu'il existe d'excellents trains pour Bruxelles »...) et Aznavour (« Vous feriez mieux de faire de la comptabilité, vous pourriez chanter en comptant, mais ne comptez pas chanter ! »...) étaient attaqués sur leur physique et leur voix - surtout pour Aznavour - qui ne correspondaient pas aux canons du moment, Goldman a eu droit à la totale.
Couvert d'insultes, abreuvé de quolibets au sujet de son physique de « chantre mou » et de sa voix « de castrat endimanché », il lui a fallu subir en outre des critiques d'une mauvaise foi (ou d'une incompétence ?) insondable sur ses chansons. « Un produit manufacturé, sorti du moule infaillible de la variété ; vedette de fraîche date et certainement pour un temps éphémère... » Car, à la différence de ses grands aînés, JJG a eu très vite l'oreille du public et on aurait dit que cette presse déchaînée - dont le ton blessant et parfois nauséabond n'avait rien à voir avec les aimables satires d'un Canard enchaîné - s'évertuait à vouloir le lui faire payer à tout prix !
C'était il y a vingt ans... Vingt ans seulement, il n'est pas mauvais de le rappeler. Car l'histoire bégaie souvent. « Je ne voudrais pas être aujourd'hui à la place de ceux qui disaient ou écrivaient des choses épouvantables sur Goldman, sous prétexte que ses chansons sont populaires », nous a confié Alain Souchon. La grande force de caractère d'un JJG, en l'occurrence, aura été son extraordinaire capacité de détachement sinon d'indifférence (« Tout, mais pas l'indifférence... »). A l'instar, là encore, du Grand Jacques (même si nul ne saura jamais combien l'un et l'autre ont pu en « baver » intérieurement) : « On ne meurt pas, affirmait Brel, de se casser la figure. On ne meurt pas d'humiliation. On meurt d'un coup de couteau dans le dos. »
Une qualité qui aura permis à JJG de prendre les hommages avec autant de distance que les critiques : d'une façon non dénuée de plaisir, certes, mais surtout avec la plus grande circonspection. C'est ainsi qu'en 2003, fâché de se retrouver sans cesse parmi les deux ou trois premières « personnalités préférées » des Français, il a demandé (discrètement) à l'institut chargé de ces sondages de le retirer une fois pour toutes de la liste soumise au public. Goldman ne s'est en effet jamais senti le droit d'être mis en concurrence, et encore moins placé sur le même piédestal que des hommes de bien ou de sciences, voire des hommes politiques, qui font progresser l'humanité ou avancer la société. Une modestie, dont personne n'arrivera à le désarmer, née de la conviction profonde d'être un simple amuseur public, un saltimbanque qui ne mérite vraiment ni l'excès d'honneurs ni l'excès d'indignités qu'il a pu connaître. Jamais - de toute sa carrière - Jean-Jacques Goldman n'aura dérogé à cette règle. Et jamais il n'en démordra : dans cette société de faux-semblants, où règnent en maîtres le matérialisme et le paraître, où les lieux communs et le politiquement correct font trop souvent office de pensée, il faut sans cesse remettre les pendules à l'heure. Il sera passé à côté des honneurs comme des critiques, de l'amour et de la haine (au plan professionnel), avec le même détachement et le sentiment bien ancré qu'au fond tout ça n'a que peu d'importance. Seuls son souci du public, la volonté de ne pas trahir sa confiance l'ont fait monter sur scène, comme on se rend à un rendez-vous entre amis.
Aujourd'hui parvenu à l'apogée de sa carrière, après un dernier opus triomphal, Chansons pour les pieds, qui marquait un retour symbolique à ses débuts dans la musique, JJG s'accorde un peu de répit. La boucle pourrait-elle être définitivement bouclée ? Stop ou encore ? A la vérité, lui-même n'en sait encore trop rien. Mais c'est fort peu probable... vu l'exceptionnelle capacité de l'artiste à créer des chansons. Empêche-t-on un pommier de donner des pommes ?
En attendant, Goldman nous manque déjà. Il nous manque depuis le dernier jour de son ultime tournée, dont la trace enregistrée constitue sûrement le premier album « son et lumière » de l'histoire phonographique. Alors, pour le convaincre de revenir au plus vite, lui qui jusqu'ici s'était totalement voué à son métier, sans jamais s'économiser, au détriment de tous ces petits bonheurs - comme autant d'actes manqués - qui font pourtant le sel de la vie, ce plaidoyer pour JJG.
Pour tout ce qu'il a apporté à la chanson française et appartient désormais à son patrimoine ; pour toutes les joies qu'il a procurées deux décennies durant à des millions de gens ; pour tout le temps offert à la cause des Restos du Cœur à la suite de son pote Coluche (avec l'énergie qu'il a fallu pour assurer la direction artistique de chaque soirée des Enfoirés !) ; pour son humilité remarquable (et si réconfortante dans ce milieu qui pèche souvent par suffisance dès que se profile un petit succès médiatico-discographique) ; pour le respect qu'il a toujours montré envers le public ; pour tout cela, pour ce qui a fait en somme de ce petit d'homme, pas tout à fait comme les autres mais guère différent non plus, le grand Jean-Jacques Goldman ; pour tout ce qui fut - et, c'est sûr, sera encore -, deux mots, deux simples mots (cf. Michel Fugain...) : bravo et merci.
Toutes ces années Jean-Jacques, on a veillé tard avec toi. Alors, quand tu seras allé vraiment jusqu'au bout de tes rêves, quand tu auras fini de vivre ton autre histoire, quand tu reviendras de ton autre chemin pour, juste après, faire un nouveau tour ensemble... il suffira d'un signe.